L’introduction du gemmage dit « à l’activée » a été un tournant technologique
1810 : distillation à partir d'un alambic pose directement sur le feu, et récupération de !'essence de térébenthine.
1844 : Hugues récupère la gemme non plus dans un trou creux dans le sable au pied du pin, mais dans un pot en terre cuite que l'on peut fixer à différentes hauteurs le long du tronc (diminution de !'évaporation et réduction des impuretés).
1850 : apparition des premières usines de distillation (au début : alambic pose sur le foyer ; ensuite : distillation en continu par entrainement à la vapeur).
1906 : brevet de Wade avec un système original de collecte entièrement hermétique. C'est l'ancêtre du système dit « en vase clos » qui sera utilisé et améliore entre 1990 et 2014.
Années 1930 : une dizaine de brevets du landais d'adoption Bellini delle Stelle portant sur le gemmage mécanique, la collecte de la gem me en vase clos, la transformation de la gemme, en ligne, dans les récepteurs.
1936 : brevet de Hessenlands présentant un ensemble incluant à la fois une méthode de saignée, un réceptacle pour la collecte de la résine, et des stimulants chimiques.
1938 : brevet de Borglin décrivant une méthode qui améliore la couleur de !'ester gomme.
Entre 1947 et 1952 : nombreux essais de stimulation à l'acide sulfurique par de Coincy. Comparaison des méthodes américaine et française avec « activation » (l'américaine moins performante sans activation, mais nettement supérieure avec activation). La care américaine permettra, sur des expérimentations a grande échelle, d'augmenter en moyenne la production de résine de 30 % et de bien doser la concentration d'acide sulfurique.
L'introduction du gemmage dit « a l’activée » a donc été un tournant technologique en termes d'organisation de !'exploitation et de rendement.
De 1960 à 201S
1961 : Guinaudeau publie un bilan de l'industrie résinifère française d'où il ressort que la pratique du gemmage a l'activée se généralise, mais que la production a fortement baisse. Cette baisse est due aux grands incendies, a la disparition de la main-d'œuvre (faible rémunération, rudes conditions de travail...), et a la montée en puissance de la pétrochimie à faible cout. Cependant, certains secteurs résistent plus ou moins :
1960 à 2000 : innovations dans le domaine de !'activation (progression des connaissances en biologie et physiologie, publication du manuel de gemmage, et innovations sur le matériel de collecte).
1971 : brevet de Bolling qui préfigure l'utilisation des sacs plastiques agrafes que l'on retrouvera plus tard au Brésil, en Chine, ou dans divers essais en France et en Espagne.
1974 : publication aux U.S.A. d'un manuel de gemmage pour les forets américaines (seul autre manuel paru après celui d'Oudin en 1938, en France). Ce manuel relie la productivité de résine au volume du houppier, et permet donc de prévoir les quantités produites. II intègre aussi le diamètre minimum de l'arbre à exploiter, ainsi que les températures permettant le démarrage de la production.
1975 : brevet de Soulard (de la SICASSO) par lequel du lignosulfite est additionne à l'acide sulfurique afin d’obtenir une pâte plus facile à appliquer.
1980 : brevet de Wolter portant sur un précède chimique pour augmenter la production (qui remplace un stimulant dangereux pour l’homme : le Paraquat).
A partir des années 1990, les recherches portent sur la stimulation ainsi que sur la mécanisation du gemmage.
1996 : brevet de Courau portant sur une méthode de production de colophane après recueil de la gemme dans des poches plastiques abritées de la pluie et des débris de bois et distillation sur une unité mobile.
1998 : brevet de la société DRT combinant ces deux préoccupations.
2013 : brevet de la société Holiste (procède de récolte).
2014 : brevet de Segouin et Laclef pour Forest Investissements.
Depuis quelques années la Chine est extrêmement active sur le dépôt des brevets.
LA RECHERCHE par Gilles Merlin
Le passé
1900 : création du Laboratoire de Chimie Appliquee a l'lndustrie de la Resine par le professeur Vezes.
1937 : a !'initiative du professeur Brus, ce laboratoire devient l'Institut du Pin et explore deux axes d’étude :
1950 : première sélection de pins (dits « arbres plus »)
1966 : installation de la station de recherche forestière de Pierroton
1969 : Mme Bernard-Dagan crée le Laboratoire de Biologie Végétale, spécialisé dans la biochimie des terpènes.
A partir de 1970 : avec le déclin du gemmage, la recherche publique se réorganise vers l’étude de la croissance et de la qualité du bois d’œuvre.
1988 : Baradat utilise le pin maritime comme modèle expérimental. Ses travaux sur l’origine génétique des terpènes le conduisent à mettre au point les premiers marqueurs génétiques sur l’arbre.
AXES DE RECHERCHE POUR L’AVENIR
Mécanisation des activités de gemmage
- Optimisation du perçage (diamètre et profondeur).
- Application du stimulant, du cône de récolte, et du récipient.
- Récupération du récipient plein, vidage, nouvelle saignée ...
Anatomie, biochimie et physiologie
- Relations entre la surface de la saignée et la production de résine.
- Biochimie moderne : elle est devenue très puissante (séquençage du génome), mais nous avons accumule un grand retard dans ce domaine.
- Biosynthèse des terpènes, description des séquences enzymatiques, régulation de la production de résine, etc.
- Relations biologiques et physiologiques : volume du houppier, stress hydrique, transpiration, productivité, production de gemme stimulation, nombre de saignées, surface de saignées, etc...
- Influence du sol sur la production de la résine.
Les stimulants
- Etude du mode d'action, du rendement, et de la qualité chimique de la gemme en fonction du stimulant.
- Etude de l'ajout, dans les pâtes de stimulation, de plusieurs métaux ayant une fonction dans la synthèse de certaines enzymes.
- Etude des stimulations naturelles (lumière, chaleur, froid, sècheresse, éléments nutritifs ...).
CONCLUSION
Le travail dans d'autres domaines de la recherche et de l'innovation ne manque pas. L'ensemble de ces domaines nécessite la mise en place d'une bonne coordination entre les différents services de l'Etat et les entreprises privées qui raffinent la résine de pin.
LOCALISATION
Cette expérience est menées sur 2 parcelles appartenant à la commune de Saint-Vincent-de-Paul. Ce sont les parcelles 30 et 35.
La parcelle 35 possède 1077 pins de type Pinus pinaster ou pin maritime.
La parcelle 30 possède 136 pins de type Pinus pinaster ou pin maritime ayant poussé en régénérescence naturelle.
GÉOLOGIE
Nous rencontrons 2 types de sous-sols pour ces deux parcelles : Au nord, la formation d'Arengosse de -5 à -2 millions d'années et au sud de la parcelle 35 une couche plus récente -1.7 millions d'années.
COUVERT VÉGÉTAL
Nous rencontrons 2 types de sols :
- une lande humide (présence de Molinie bleue (aougà en gascon), bruyère , humidité quasi-permanente, acidité marquée, nappe phréatique plus ou moins affleurante)
- une lande mésophile (terrain ni totalement sec ni totalement humide), présence de fougère Aigle, bruyère, alios, acidité marquée
RELEVÉ NUMÉROTATION
Dans un premier temps nous avons procédé à la numération de chaque ligne ou rangée de pins pour les deux parcelles.
Cette numérotation a été affichée en début et fin de ligne afin de faciliter le repérage des travées et des pins les constituant.
Dans un deuxième temps un relevé GPS a été réalisé afin de localiser chaque arbre et en quantifier le nombre par rangée.
Cet inventaire permet de pouvoir identifier chaque pin et de pouvoir en assurer un suivi individualisé lors des opérations de gemmage (piquage et pesage de la résine).
RELEVÉ CIRCONFÉRENCES
La circonférence de chaque arbre a été mesurée à l’aide d’un compas forestier et transféré dans un fichier Excel.
Ce relevé a pour but de pouvoir identifier d’éventuelles relations entre la circonférence et la production de résine des arbres.
RELEVÉS MÉTÉO
Une vague de fraicheur surprenante a été constatée fin juillet et début aout.
Fin Août, en revanche, un épisode de forte chaleur tardif a sévi sur la région, suivi d’une baisse brutale des températures fin août, début septembre.
PROCÉDURE PIQUAGES
La technique utilisée pour notre méthode de gemmage en vase clos est de type Borehole.
La première étape consiste à percer un trou (14 mm de diamètre sur 12 cm de profondeur) Afin de ne pas compromettre la qualité des troncs pour leurs futures exploitations, les perçages ont été effectués au niveau de la souche.
L’efficacité de l’action réparatrice de la résine naturelle sur une blessure n’est plus à démontrer. Il est impératif de freiner ce processus en appliquant un retardateur, nommé activant, à l’intérieur du trou, ce qui correspond à la deuxième étape. Pour nos expérimentations, après plusieurs années de recherches et développements, nous avons pu mettre au point ce nouveau retardateur issu d’un principe actif contenu dans la fleur de jasmin. La formulation de cet activant est totalement inoffensive pour l’environnement et pour l’homme(*). Elle reste évolutive, ce qui permet d’optimiser les protocoles de piquages (espace-temps entre les perçages en réduisant le temps de travail).
La troisième étape est la fixation d’un contenant étanche à l’aide d’un embout sur lequel est fixée une poche plastique.
PROCÉDURE PESAGE DES POCHES
Quatre pesages ont été effectués sur les deux parcelles lors de l’été 2023.
Le 1er début juillet, le second début août, le 3ème début septembre et le dernier début octobre.
Ces relevés ont permis de dégager une tendance de production de résine dans le temps pour les deux parcelles, tout au long de l’été.
A partir des quatre pesages effectués sur les deux parcelles lors de l’été 2023, on peut établir la tendance suivante :
Une première période correspond aux premiers piquages (juin) ou la production est la plus importante, puis un ralentissement courant juillet (certainement dû au repos végétatif). Sur le troisième pesage en août, on peut constater une reprise significative de production liée aux pics de températures.
En septembre on observe un nouveau ralentissement, en lien avec des températures moyennes en baisse.
La parcelle 30 avec 3 piquages a été plus productive que la parcelle 35 avec 4 ou 5 piquages.
Enfin, ces différents pesages ont permis de constater que les pins qui avaient été identifiés comme « bons producteurs » sur la parcelle 35 en 2022, n’ont pas reproduit les mêmes résultats cette année, malgré le même protocole technique.
Le bilan de la récolte 2023 fait apparaitre des résultats contrastés avec des productions hétérogènes s’échelonnant par arbre de 400 g à près de 3 kg de résine avec 3 ou 5 piquages.
RAMASSE
Le ramassage des poches de résine à débuté sur la parcelle 30 le 29 septembre.
Cette parcelle étant particulièrement accidentée, l’utilisation d’un engin mécanique (remorque et quad habituellement) semblait problématique. Ce problème a été résolu grâce à la collaboration de l’association Camel’Idées de l’Atlantique. Cette dernière spécialisée dans le mécanisme agro-pastoral a mis Dino son dromadaire Turkoman à contribution, afin de nous aider au transport de la résine en forêt.
La procédure de ramassage a été totalement clôturée sur la parcelle 35 le 13 octobre.
Par la suite, il a été procédé au vidage des poches de résine et son conditionnement dans des fûts spéciaux, en vue d’être distillé sur le site industriel de BIOLANDES à Le Sen (partenaire et adhérent de l’association). Après distillation, on obtient deux produits phares utilisés en industrie, la colophane et la térébenthine.
PERSPECTIVES
Cette nouvelle expérimentation de gemmage en vase clos avec la méthode borehole a permis d’établir plusieurs constats.
La méthode de gemmage Borehole (forage) et son efficacité : Il est incontestable après 5 années d’expérimentations de cette méthode sur les parcelles communales de Saint Vincent de Paul, qu’elle présente un réel intérêt en terme d’efficacité et de simplicité par sa mise en œuvre.
Cette expérimentation à grande échelle (1250 arbres testés) est la première du genre en Europe. Plusieurs tentatives expérimentales ont été menés au Brésil et aux Etats Unis. A ce propos, il est important de rappeler qu’il existe un brevet sur le procédé de gemmage (Brevet Gilmer - 1910).
Afin de ne pas affecter l’appréciation de la qualité des lots de bois quand ils seront mis en vente, il a été fait le choix de ne réaliser que des piquages en pied d’arbre. Les investigations menées par l’ONF sur l’impact qu’auraient les piquages (forages), établissent qu’ils n’affectent pas la santé des arbres.
Les expérimentations menées depuis 2018 ont permis de faire évoluer le mode opérationnel en faisant évoluer la productivité de manière significative. Les problématiques rencontrées se résument sur le seul matériel de connexion arbre/poche (bouchage des prototypes). Nos travaux de recherche sont actuellement consacrés à la résolution de cette problématique.
L’activant ou retardateur utilisé :
Issu d’un principe actif contenu dans la fleur de jasmin, nous avons pu optimiser son efficacité en l’associant à plusieurs produits naturels et accessibles financièrement. Les travaux menés depuis 3 ans sur la formulation et une meilleure maitrise du produit se concrétisent cette année avec une évolution significative du protocole d’espacement temps entre piquages.
En 2021, ce protocole était de 2 à 3 semaines. En 2022, suite à une reconsidération de sa mise en œuvre, nous avons pu évoluer et valider 4 semaines entre piquages. Début août 2023, une reformulation en test sur quelques arbres a permis de valider un nouveau protocole établissant un minimum de 5 à 6 semaines entre piquages.
Le contenant en vase clos :
La poche plastique utilisée depuis 2017 pour nos travaux a connu une évolution de par sa mise en œuvre et sa qualité. Cette dernière concentre beaucoup de vertus (prix, simplicité d’utilisation pour les expérimentations, poids). Cependant elle génère aussi beaucoup d’inconvénients (fabrication fastidieuse des poches prototypes, vidage complexe, usage unique et opérations manuelles supplémentaires). Sans oublier le taux de perte engendré par la résine non extraite des poches après le passage dans la machine fouloir (prototype mis au point par l’association et dénommé « Georgine »).
Il est indéniable que le côté « non écologique » de la poche plastique, condamne son utilisation dans un très proche avenir. Depuis près de 2 ans, l’association dirige ses recherches vers un contenant « vase clos » d’avenir, le contenant réutilisable « écologique ».
Pour nous aider dans nos travaux de développements, nous avons construit une collaboration avec le lycée professionnel St Joseph d’Hasparren et sa section « Modélisation et Prototypage 3 D » depuis avril 2022.
Ainsi, plusieurs prototypes ont été développés par les élèves de cette classe. Ils ont notamment découvert le gemmage Borehole lors d’une matinée découverte organisée par Gemme la Forêt, le 22 septembre 2023 sur la parcelle 35 de Saint Vincent de Paul. Nous poursuivrons cette collaboration en 2024 avec le développement de nouveaux prototypes de contenant réutilisables.
L’entreprise ECOLOCUP ayant participé à la mise au point et à la production des embouts à ailettes sera aussi partenaire du développement, de ce contenant du futur.
Efficacité productive de la méthode :
A cette heure, il n’y a plus aucun doute sur l’intérêt du développement du gemmage en Borehole. Plusieurs caps restent à franchir avec la résolution des problématiques de bouchage des embouts et la mise au point incontournable du contenant réutilisable, élément garant et déterminant de la relance du gemmage dans nos forêts.